Cancer du sein, facteurs de risque et patientes à risque


Cancer du sein, facteurs de risque et patientes à risque

Johanne Richard, omnipraticienne

  • Centre de Référence et d'investigation désigné (CRID)
  • Centre Hospitalier Université de Montréal (CHUM)
  • Clinique de Médecine génique
  • Centre Hospitalier de Université de Montréal (CHUM)
  • Centre de Référence et d'investigation désigné (CRID )
  • CSSS Lac des Deux-Montagnes

Johanne Richard

Introduction :

Le cancer du sein est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez la femme. Le risque de développer un cancer du sein  au cours de la vie est de 11.3%; ce risque est calculé par tranche d'âge et augmente progressivement avec les années.

Le cancer du sein demeure une grande préoccupation en matière de santé. L'influence génétique est assurément reconnue et certains facteurs environnementaux et habitudes de vie sont pris en considération comme éléments prédisposants.

Les causes du cancer du sein sont encore inconnues,  ce pourquoi nous discuterons dans cet article de facteurs de risque et de population à risque afin de mieux cibler les femmes qui nécessitent un dépistage précoce.

Le risque de développer un cancer du sein augmente en fonction de facteurs de risque personnels : 

La race, l'histoire familiale et l'influence génétique sont des facteurs constitutionnels incontournables. Ainsi, les femmes de race noire seraient plus susceptibles de développer un cancer du sein que les femmes asiatiques ou de race blanche.

L'âge demeure le facteur de risque le plus important : la probabilité d'être atteinte d'un cancer du sein augmente avec l'âge. De plus, le fait d'avoir déjà eu un cancer du sein augmente les risques d'en développer un second.

La densité mammaire est  reconnue comme facteur de risque : le risque est augmenté de 4 à 6 fois si la densité du sein est évaluée à plus de 75% lors de la mammographie. Il n'y a pour le moment pas d'autre façon d'apprécier la densité mammaire d'une femme.

Des  biopsies au sein ayant démontré  des changements prolifératifs de type hyperplasie canalaire  ou lobulaire atypique ou un carcinome lobulaire in situ peuvent augmenter les risques de cancer de 2 à 4 fois.

Une histoire de radiothérapie au thorax avant l'âge de 30 ans est aussi un facteur de risque.

 

 FACTEURS DE RISQUE
  

Constitutionnels

Race
Age
Histoire familiale
Cancer du sein antérieur
Lésions bénignes atypiques
Radiothérapie <30 ans
  

Hormonaux

Puberté précoce <12 ans
Ménopause tardive >55 ans
Age de la grossesse >30 ans
Hormonothérapie
  

Habitudes de vie

 

Sédentarité
Poids
Alcool
Tabac

Facteurs hormonaux :

Une exposition prolongée aux hormones endogènes (nos propres hormones), soit une ménarche précoce (avant 12 ans) et une  ménopause tardive (après 55 ans), augmente le risque. Le nombre de grossesses peut aussi influencer le risque : ainsi, la nulliparité (absence de grossesse) ou la grossesse tardive (après 30 ans) augmenteraient le risque. A l'opposé, des études auraient démontré un certain effet protecteur lié à l'allaitement.

Contraceptifs oraux : (CO)

Le risque de développer un cancer du sein est légèrement accru lors de la prise de CO mais ce risque chute dès l'arrêt.  La prise de CO augmente donc le risque des jeunes femmes, mais comme le cancer du sein est plutôt rare dans ce groupe d'âge, on ne note pas de hausse du nombre de cas de cancer. De plus, il n'y a pas de preuve d'association entre le recours aux CO et le développement du cancer du sein plus tard dans la vie.

Hormonothérapie de remplacement : (HTR)

L'utilisation de l'hormonothérapie  après la ménopause  demeure un débat. Selon certaines études (WHI et MWS*), la prise de HTR combinée  augmente légèrement le risque et ce risque tend à s'accroître avec le nombre d'années d'utilisation; par contre, la prise d'oestrogène seul (chez les femmes hystérectomisées) n'aurait pas cet effet.  Comme pour les CO, le risque diminue lors de l'arrêt de l'hormonothérapie.

*WHI : Women Health Initiative*MWS :Million Women Study

Habitudes de vie :

Activité physique :

La pratique  d'activité physique exercerait un certain effet protecteur, surtout après la ménopause : pratiquer des exercices modérés de 30 à 60 minutes environ 4 fois par semaine pourrait réduire le risque jusqu'à 35%.

Poids :

La  prise de poids après la ménopause augmente le risque, alors qu'on note un effet inverse avant  la ménopause. En effet, chez les femmes ménopausées dont l'indice de masse corporel (IMC)  dépasse 33, le risque est augmenté, tandis que chez les femmes non ménopausées dont l' IMC est supérieur à 31, le risque serait moindre. Ce phénomène s'expliquerait par le taux d'oestrogènes circulants.

Consommation d'alcool :

On note une forte association entre alcool et cancer du sein selon la quantité ingérée. Ainsi, on a rapporté une augmentation de risque de cancer du sein de 4% avec 1 consommation par jour et de 40% avec plus de 3 consommations par jour.

Tabagisme :

L'association entre tabac et cancer du sein est plus complexe. Le résultat des études est variable, mais une tendance à l'augmentation du risque semble probable.

Cancer du sein et femmes à risque

Parmi les 11% de femmes susceptibles d'être atteintes de cancer du sein au cours de leur vie, on note qu'environ 20% auraient des antécédents familiaux et que seulement 5 à 10% de tous les cancers de sein seraient liés à la génétique.

cancer_sein

C'est en 1993-1994 que les mutations sur les gènes BRCA 1 et BRCA 2 ont été identifiées et associées à des risques plus élevés de cancer du sein et de l'ovaire chez la femme et de  cancer de  prostate chez l'homme.

On évalue de 65% à 85%  le risque de développer un cancer du sein chez les femmes porteuses de mutation BRCA 1 et BRCA 2. Chez une majorité d'entre elles, le cancer du sein apparaît avant l'âge de 50 ans.

Il existe d'autres syndromes  génétiques plus rares liés à une forte susceptibilité de cancer du sein, tels les syndromes de  Li-Fraumeni ou de Cowden,  qui sont associés aussi à d'autres  types  de  cancers.

Il devient impératif de mieux cibler les femmes susceptibles d'être porteuses de mutations génétiques afin de leur offrir un  dépistage précoce  et un suivi médical plus approprié.

Comment identifier ces femmes à risque ?

Il faut tout d'abord faire une histoire familiale détaillée, tant paternelle que maternelle, en établissant quels membres de la famille ont développé un cancer,  de quel type et à quel âge, et ce, sur 3  générations. Le nombre d'apparentés atteints et l'âge d'apparition du cancer sont des  indices importants à considérer pour mieux définir le niveau de risque.

HISTOIRE FAMILIALE
Côté maternel et paternel

  • 3 générations :
    Apparentés du 1er, 2e et 3e degré*
  • Tout cancer (site primaire)
  • Âge au diagnostic de cancer et au décèsiagnostic de cancer et au décès

*1er degré : père,mère,frère,s?ur

2e degré : oncle,tante,neveu,nièce,grand-parents

3e degré : cousins,grands-oncles,grands-tantes

 

Les indices  de l'histoire familiale qui nous orientent vers un syndrome de cancer héréditaire du sein et de l'ovaire  sont les suivants :

  • cancer du sein à un âge plus jeune <50 ans (surtout si <40 ans)
  • cancer du sein bilatéral chez un apparenté
  • cancer du sein et de l'ovaire  chez un apparenté
  • plusieurs membres d'un même côté de la famille ayant des cancers (sein/ovaire/prostate)
  • plusieurs cancers primaires chez un même apparenté
  • cancer du sein chez un homme
  • population juive ashkénaze
  • cancers inhabituels

Il existe différents modèles d'évaluation de risque  qui permettent de calculer la probabilité de développer un cancer du sein ou  d'identifier une mutation chez les membres d'une famille.

Ces modèles, quoiqu'imparfaits, sont utilisés pour établir un niveau de risque. Ainsi, selon les modèles BODICEA ou BRCAPRO, un risque élevé est défini à plus de 10%  de chance d'identifier une mutation et un risque faible à moins de 10%.

 

D'autres modèles, tel le modèle de Gail, seront utilisés pour un calcul de risque personnel de développer un cancer du sein : on définit un risque à 5 ans élevé si le calcul est supérieur à 1.67%  et un risque faible si inférieur à 1.67%.

Modèle de Gail : facteurs pris en considération :

  • race
  • âge actuel
  • âge de la ménarche
  • âge de la 1ere grossesse
  • nb de parentes atteintes (mère / s?ur/fille)
  • nb de biopsies antérieures et nb de biopsies atypiques

Il n'existe pas encore de modèle parfait pour stratifier le risque de cancer de façon précise. Cependant, la plupart des spécialistes en cancer du sein définissent 3 catégories de risque :

-haut risque   si l'histoire familiale est suggestive de cancer héréditaire ou si le calcul BRCAPRO > 20%. Ceci s'applique notamment aux femmes dans les situations suivantes :

  •  mutation déjà identifiée dans la famille.
  • 3 apparentés ou + du 1er ou 2e degré du même côté de la famille avec cancer du sein ou ovaire
  • 2 apparentés ou + du même côté de la famille avec cancer du sein ou ovaire incluant 1 facteur de risque additionnel élevé suivant

cancer sein bilatéral,

cancer sein et ovaire chez la même personne,

cancer diagnostiqué <40 ans,

cancer du sein chez homme

- risque modéré   si l'histoire familiale est contributive, mais non suggestive de cancer héréditaire  ou si le calcul BRCAPRO < 20%. Ceci s'applique notamment aux femmes dans les situations suivantes :

  • 1 ou 2 apparentés  au 1er degré avec cancer du sein < 50ans sans autre facteur de risque élevé*
  • 2 apparentés 1er ou 2e degré avec cancer sein/ovaire  du même côté de la famille, sans autre facteur de risque élevé

- risque léger

  • absence d'histoire familiale
  • 1 apparenté  1er ou 2e degré avec cancer du sein >50 ans
  • 2 apparentés 2e degré avec cancer du sein peu importe l'âge

A qui doit-on offrir une consultation et un dépistage génétique?

On pourra offrir une consultation dans un service de génétique lorsque les critères de l'histoire familiale correspondent

1. à un syndrome de cancer héréditaire 2. lorsqu'il y a présence de cancer avant l'âge de 40 ans chez un individu ou 3. lorsqu' il y a déjà une notion de mutation identifiée dans la famille.

Il n'est pas toujours facile d'obtenir tous les renseignements précis de l'histoire familiale, soit parce que les contacts entre les membres de la famille sont difficiles, soit parce que l'historique est limité par un nombre restreint d'individus, ou soit parce que l'historique est simplement inconnu. En cas de doute pour les raisons détaillées ci-haut, une évaluation en génétique peut toujours être recommandée si jugée pertinente.

Les spécialistes en génétique  proposeront une analyse génétique  lorsque le calcul de la probabilité d'identifier une mutation s'élève à 10% et plus.

Le counseling génétique est primordial afin que les patientes et leur famille comprennent  les enjeux et les conséquences de se soumettre à une analyse génétique, tant sur le plan émotionnel que social et éthique.

Pour toute nouvelle famille référée, on procédera tout d'abord de préférence à l'analyse génétique chez un individu déjà atteint de cancer. Si une mutation est identifiée,  on pourra alors proposer le test à d'autres membres de la famille pour voir s'ils sont porteurs de la même mutation.

L'interprétation des résultats peut être difficile si aucune mutation n'a été identifiée : on appelle ce résultat non informatif. Ceci n'élimine pas la possibilité d'une  susceptibilité génétique et les familles seront  considérées comme potentiellement à risque.

De plus, il existera toujours théoriquement de nouvelles mutations et variantes  génétiques qui sont impliquées dans le développement du cancer du sein et en augmentent le risque, à des degrés variables, mais qui n'ont pas encore été formellement identifiées. (voir graphique)

breastcancertableau

Le suivi des femmes à risques :

Pour la majorité des femmes, le dépistage du cancer du sein se fait  par une mammographie  à partir de l'âge de 50 ans à tout les 2 ans.

Pour les patientes plus susceptibles d'être atteintes d'un cancer du sein,  un suivi médical plus étroit et un dépistage par mammographie ou résonance magnétique sont recommandés à un âge plus jeune et à une fréquence plus rapprochée.

L'examen clinique des seins fait par un professionnel (ECS) n'est pas recommandé comme moyen de dépistage pour les femmes présentant un risque modéré ou léger (Recommandation du groupe d'étude canadien sur les soins de santé préventif 2011). Cependant, cette recommandation ne s'applique pas aux femmes ayant des antécédents personnels de cancer du sein ou  ayant des antécédents familiaux  ou des risques personnels (biopsies antérieures atypiques), pour qui l'ECS régulier est recommandé. De plus, il faut se rappeler que 10% des cancers ne sont pas détectés à la mammographie de dépistage. C'est pourquoi des centres spécialisés en cancer du sein reconnaissent que l'ECS a encore sa place dans l'évaluation clinique des femmes.

L'autoexamen des seins (AES) quant à lui n'est plus recommandé, car il ne réduit pas la mortalité par cancer du sein et susciterait plus d'inconvénients que d'avantages. Un concept nouveau, appelé ETRE ATTENTIVE A SES SEINS (voir outil de  la Société Canadienne du Cancer), est suggéré : il recommande à chaque femme de surveiller tout changement aux seins et d'en faire part à son médecin.

Pour les femmes porteuses d'une mutation BRCA1 ou BRCA2, étant donné le très haut risque de cancer, on suggère un suivi médical très serré pour le dépistage des cancers du sein et de l'ovaire. Lors du suivi, on propose à ces femmes de réfléchir aussi à des chirurgies prophylactiques préventives) mammaires et ovariennes, car c'est la seule option qui réduit leur risque de développer un cancer de façon significative.

Les critères actuels de suivi médical pour les patientes à risque diffèrent selon le niveau de risque. On ne discutera pas ici du suivi de cancer des ovaires. (voir tableau )

 

 

  Femme à haut risque : 
Femme avec mutation BRCA   Femme non testée avecune mutation familiale connue Femme testée sans mutation identifiée (BRCAPRO > 20%)
 Recommandations dès l'âge de 25 -30 ans :
Examen clinique des seins (ECS): aux 6 mois  Mammographie: annuelle en alternance avec une IRM annuelle (intervalle aux 6 mois). IRM: annuelle
Echographie mammaire selon ECS et recommandation du radiologiste.

 

 Femme  à risque modéré: 
Femme avec histoire familiale positive maisBRCAPRO <20%  Femme avec biopsie de lésions à risque(hyperplasie canalaire ou lobulaire atypique, carcinome lobulaire in situ)
 Recommandations dès l'âge de 40 ans  ou 10 ans avant apparition du cancer chez apparenté:
ECS annuel Mammographie annuelle
Echographie mammaire selon ECS et recommandation du radiologiste.*

* échographie mammaire et considération aussi pour IRM de dépistage selon densité mammaire.

 Patiente à risque léger: 
Risque population générale
 Recommandations dès l'âge de 50 ans : 
Mammographie aux 2 ans et ECS annuel

 

Conclusion :

Le cancer du sein représente toujours un défi pour les femmes et les professionnels de la santé.

La mise en évidence de facteurs de risque modifiables octroie à toutes les femmes un certain pouvoir sur cette maladie.

Les nouvelles découvertes de mutations et de variantes génétiques ainsi que le profilage du risque génétique pourraient permettre d'identifier un plus grand nombre de femmes à risque élevé. De meilleurs outils de prédiction et de stratification de risque font actuellement l'objet d'un projet international auquel participent Génome Québec et l'université McGill. La stratification du risque a pour but  de cibler de façon optimale les femmes les plus susceptibles de développer un cancer du sein et ainsi en améliorer la détection précoce et idéalement aussi agir au niveau de la prévention.

 


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