Lucy Gilbert, la Dre qui redonne espoir aux femmes: Cancers de l'ovaire et de l'endomètre

Fadwa Lapierre

À côté du mot persévérance dans le dictionnaire, il y a sûrement le nom de Dre Lyne Gilbert, scientifique principale à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et directrice de la Division d'oncologie gynécologique et de l'Unité de recherche sur la santé des femmes du CUSM. Elle dédie sa carrière à la recherche du dépistage précoce des cancers de l’ovaire et de l’endomètre, dans l’objectif de sauver des vies des milliers de femmes victimes de ces tueurs silencieux.



La magie s'opère à Montréal. Après une dizaine d'années de labeur, on s'approche de plus en plus du but. L'essai clinique est actuellement en dernière phase avant son déploiement.

Dre Gilbert, quel est le portrait de la situation?

90% des décès des cancers de l'ovaire sont causés par un cancer de haut grade. Quand on le découvre, il s'est déjà propagé. Souvent, ça commence dans les trompes de Fallope, les ovaires ont l'air parfaits, mais les cellules cancéreuses peuvent aller dans l'abdomen, sous le diaphragme, derrière le foie, entre les intestins, pendant ce temps, la femme n'a aucun symptôme. Il en est de même pour les cancers de l'endomètre, même si seulement 10% d'entre eux sont de haut grade, ils causent la plupart des décès. Le diagnostic est difficile, le docteur ne voit rien à l'échographie. Quand la femme sait ce qui se passe, on est déjà rendu à un stade 3 ou 4 et les organes vitaux sont touchés.

Pour sauver les femmes, il faut diagnostiquer plus tôt. Nous développons le test pap génomique DOvEEgene (Detecting Ovarian and Endometrial cancers Early using genomics), destinés aux femmes de 45 à 70 ans pour analyser l'ADN et détecter le cancer avant qu'il ne se transforme.

Pourquoi le taux de survie n'a-t-il pas changé en 30 ans?

Au début, on croyait que les patientes n'avaient pas fait d'échographie ou d'analyses sanguines à temps. Pendant 30 ans, une étude en Angleterre s'est concentrée sur ces tests, en vain. Lors de leurs résultats, la conclusion a été de dire que ces types de cancers ne pouvaient pas être détectés plus tôt. Je suis profondément en désaccord. On ne peut pas abandonner les femmes comme ça. Ce sont plutôt les tests utilisés qui ne sont pas adéquats pour la détection.

Vous avez commencé la recherche il y a une dizaine d'années?

En 2008, tout comme nos collègues d'Angleterre, nous croyions que l'échographie et la prise de sang pouvaient nous aider. Nous avons ouvert plusieurs cliniques de détection au Québec, où les femmes n'avaient pas besoin de référence, juste avoir certains symptômes. Quand nous nous sommes rendu compte que les tests ne fonctionnaient pas, on était très découragés.

Ce n'est que depuis les dernières années que nous avons vraiment compris que le cancer de l'ovaire ne débutait pas à partir de l'ovaire. En 2012, nous étions les premiers à publier que ce cancer commence dans les trompes de Fallope. Encore aujourd'hui, nous n'appelons toujours pas ce cancer par son bon nom. C'est un problème, lorsque vous avez un criminel qui court, vous devez l'identifier correctement pour pouvoir l'arrêter. C'est un cancer subterfuge, si vous attendez qu'il soit visible, il est trop tard. Alors nous avons compris que notre chance est d'explorer la génétique.

Qu'avez-vous découvert?

Lorsque le cancer débute, la première chose que l'on peut distinguer est une mutation des cellules. Pour l'examiner et la déceler, nous avons développé un test très complexe avec nos collègues de l'université Johns Hopkins que nous avons peaufiné durant plusieurs années.

L'analyse de l'ADN est-elle le futur de la médecine ?

Oui, c'est donc l'avenir, mais ce n'est pas non plus si facile. Les mutations génétiques sont très courantes à certains âges, ça fait partie du vieillissement. Une biopsie effectuée à 25 ans ne révèle aucune mutation, à 75 ans, il y en a des milliers. Cela ne veut pas dire qu'il y a un cancer. Si vous ne comprenez pas le point critique, vous ferez des erreurs. Nous avons besoin de l'intelligence artificielle pour comparer les combinaisons et différencier une mutation normale ou mineure (polype, fibrome) d'un début de cancer.

À quelle étape êtes-vous rendus?

Le test DOvEEgene qu'on a développé promet d'être le premier moyen fiable au monde pour diagnostiquer plus tôt les cancers de l'ovaire et de l'endomètre, alors que la maladie peut encore être guérie. Notre essai clinique a débuté en mai. Nous suivons 80 femmes. 800 patientes sont sur la liste d'attente. Le processus a été retardé avec la pandémie. Nous avons un objectif de tester 3000 femmes. Toute personne ayant un utérus âgée de 45 à 70 ans peut participer. Nous espérons offrir au public le test dans 3 ans.

Les analyses sont-elles effectuées à Montréal?

Nous sommes très fiers, tout se fait à Montréal, nous avons l'expertise ici. Contrairement aux États-Unis, les patients et les chercheurs demeurent au même endroit, le suivi en est facilité. Et au Québec, on se sent investi à s'entraider pour obtenir ce test pour l'ensemble de la population.

Ce test pourra-t-il être utilisé par les médecins de famille?

On aurait aimé ça, mais pour l'instant c'est un test doux effectué à l'intérieur de l'utérus, à ce stade, les femmes pourront consulter un gynécologue.

Vous avez été nommée la Femme d'influence 2021?

Je suis très fière de cette reconnaissance, comme minorité ethnique, mais aussi pour mon parcours, pas toujours facile, de chirurgienne dans un milieu typiquement masculin. Le plus important est que le travail qu'on fait en équipe bénéficiera aux autres, ce titre nous signifie que notre recherche est importante.

Pourquoi le financement est-il le nerf de la guerre?

Chaque cause est noble, je suis consciente que les gens sont ultra sollicités. Les cancers de l'ovaire et de l'endomètre sont la quatrième cause de décès par cancer chez les femmes, nos mères, nos sÅ“urs, nos conjointes… et c'est une mort misérable. Pour chaque femme avec un cancer de haut grade, nous dépensons plus de 500 000 dollars pour prolonger sa vie de 2-3 ans, alors que nous pourrions la sauver. Génome Canada et Génome Québec ont investi 2 millions de dollars dans cette percée scientifique. On amasse 2 autres millions de dollars à travers la Fondation du CUSM. C'est extrêmement important, c'est le seul essai du monde entier rendu aussi loin. J'encourage la communauté médicale et les femmes à nous aider à leur façon.

TABLEAU CANCER DE L'OVAIRE ET DE L'ENDOMÈTRE

4ème cause combinée de décès par cancer chez les femmes canadiennes.

3000+ Canadiennes ont été diagnostiquées avec un cancer de l'ovaire en 2020

75% des femmes atteintes d'un cancer de l'ovaire sont diagnostiquées à un stade avancé

La campagne de financement de la Fondation du CUSM « Osez rêver. Arrêtez le tueur silencieux » est en cours en collaboration avec l'animatrice Julie Snyder qui a elle-même perdu sa mère d'un cancer des ovaires.

Pour participer à l'essai clinique de Dre Gilbert, contactez le : 1 866 716-3267

(source : revezavecJulie.ca)


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