L'échographie mammaire son rôle en 2013


Mélanie Thériault MD FRCP,

Photo BenoitMesurolleBenoît Mesurolle MD.

Département de radiologie et Clinique du sein de l'Institut des Cèdres, Centre Universitaire de Santé McGill

1 Introduction

Fruit des avancées technologiques des dernières décennies, l'échographie mammaire s'est imposée comme un outil essentiel au rôle prépondérant en imagerie du sein. Elle est un mode d'évaluation simple et efficace et est devenue, au même titre que la mammographie,  un examen de première ligne.  Son utilisation s'est considérablement élargie et le temps est révolu où le rôle de l'échographie mammaire se limitait à affirmer le contenu liquidien ou solide d'une masse.

Les deux étapes de l'échographie mammaire comportent la détection suivie de la caractérisation d'une anomalie. À chacune de ces deux étapes, une utilisation optimale du matériel échographique et une corrélation permanente avec les autres techniques d'imagerie (le plus souvent la mammographie, mais aussi l'IRM) sont nécessaires.

L'échographie mammaire est réalisée dans 3 cas de figures principaux (Tableau 1):

  1. Examen de première intention, avant toute autre technique d'imagerie;
  2. Complément d'un autre examen radiologique, le plus souvent une mammographie;
  3. Examen réalisé dans le but de guider une procédure interventionnelle.

2 Technique d'examen et interprétation

L'échographie mammaire est opérateur dépendant, ce qui rend nécessaire l'atteinte d'un certain degré de standardisation tant au niveau du matériel utilisé que de la réalisation de l'examen lui-même.

En plus de l'échographie en mode B classique, différentes  évolutions techniques récentes sont de plus en plus utilisées en pratique quotidienne. L'imagerie composite et l'imagerie harmonique améliorent les performances de l'examen en augmentant la pénétration, la résolution spatiale et de contraste de l'image ainsi qu'en diminuant les artéfacts. De même, l'imagerie Doppler représente une aide dans la visualisation des vaisseaux au sein de tumeurs mais aussi alentour avant toute procédure interventionnelle (Fig. 1). Enfin, des technologies encore en évaluation comme l'élastographie -se basant sur l'appréciation de l'élasticité tissulaire- semblent prometteuses dans la caractérisation de masses détectées en échographie.

Devant une masse détectée à l'échographie, le radiologiste en évaluera  différentes caractéristiques tels le contour, la forme, l'échogénicité, l'interface avec le tissu environnant, l'orientation de la masse par rapport à la paroi thoracique, les phénomènes acoustiques postérieurs, la présence de microcalcifications et la vascularisation interne. Au terme de l'analyse de ces paramètres, le radiologiste pourra assigner une classification BIRADS à la lésion, de 2 (bénin) à 5 (hautement suspect). (Se référer à l'article de LA Lacasse et N Teranipour pour une description complète du lexique BIRADS).

4 Indications de l'échographie mammaire

4.1- Échographie en première intention

Chez la femme jeune, les investigations mammaires sont le plus souvent réalisées en raison d'une symptomatologie clinique (douleur, masse, modification de la peau, écoulement, infection). On privilégie alors la réalisation d'une échographie comme premier outil d'investigation afin de diminuer l'exposition à la radiation, et compte tenu d'une plus faible fréquence du cancer du sein dans cette population). En pratique, dans notre centre, on réalise une échographie mammaire de première intention chez les femmes de moins de 35 ans. L'échographie est également le seul examen possible en première ligne chez les femmes enceintes, pour qui l'exposition à la radiation doit être limitée.

L'échographie mammaire sera donc effectuée en première intention chez les jeunes femmes ayant un examen clinique anormal ou modifié ou chez les patientes ayant un écoulement mamelonnaire. L'échographie peut aussi être réalisée à des fins de dépistage chez les patientes à risque plus élevé de cancer du sein, combinée presque toujours à la mammographie et parfois aussi à la résonance magnétique.

L'utilisation de l'échographie mammaire en tant qu'outil de dépistage du cancer du sein au même titre que  la mammographie dans la population générale n'a pas été validée et n'a pas sa place dans le dépistage organisé.  Un certain nombre d'anomalies, comme les microcalcifications, ne sont pas détectées par l'échographie. De plus, l'échographie de dépistage est source de nombreux faux positifs, générant nombre de biopsies et d'examens de suivi. Par contre, son rôle peut être discuté en complément de la mammographie chez les patientes présentant des seins denses ou des kystes multiples, la mammographie perdant alors de sa sensibilité.  Cette indication doit cependant faire l'objet d'une discussion au cas par cas.

4. 2- Échographie comme examen complémentaire

Chez les femmes pour qui la mammographie est indiquée en première intention, l'échographie sera faite en complément pour caractériser une anomalie vue à la mammographie. Suite à une première mammographie, il arrive parfois qu'une asymétrie du parenchyme mammaire nécessite une échographie afin de confirmer l'absence d'anomalie sous-jacente (asymétrie correspondant à du tissu mammaire normal). En cas de dépistage avec mammographies antérieures, l'échographie permet aussi de préciser la nature d'anomalies nouvelles  telles une masse, une asymétrie de densité ou une distorsion architecturale (Fig. 2). L'échographie est également indiquée pour investiguer un écoulement mamelonnaire.

L'échographie permet de préciser le diagnostic

L'échographie est un outil fiable pour préciser la nature des anomalies perçues à l'examen clinique ou à la mammographie. Dans un premier temps, il convient d'identifier l'anomalie en s'assurant de la bonne corrélation avec la mammographie (lésion de taille similaire, de localisation et morphologie identiques). Dans un second temps, l'analyse échographique (forme, contours, échotexture) permet souvent de préciser si l'anomalie est de nature kystique ou solide. Si la lésion s'avère être un kyste simple, aucune autre investigation n'est alors nécessaire.

Certaines lésions sont dites indéterminées. Elles peuvent correspondre à des kystes compliqués ou encore à des lésions solides. Selon les caractéristiques morphologiques échographiques et la présence ou non de vascularisation interne à l'étude Doppler couleur, une recommandation de suivi ou de biopsie pourra être portée par le radiologiste au moment de l'examen.

Si la lésion s'avère solide, elle peut avoir des caractéristiques bénignes, indéterminées ou malignes. Selon l'aspect de la lésion, si elle est nouvellement apparue ou non et les facteurs de risques de la patiente, une décision sera prise quant à la nécessité de réaliser un prélèvement échoguidé.

4. 3- Procédures interventionnelles écho-guidées

L'échographie est la modalité d'imagerie à privilégier lors de toute procédure interventionnelle, qu'il s'agisse d'une aspiration à l'aiguille fine, d'une biopsie, ou d'un repérage pré-opératoire par mise en place d'une broche guide ou d'un hameçon (Fig. 1). Les lésions visibles à l'échographie sont majoritairement biopsiées à l'aide de cette modalité. En effet, au contraire d'autres techniques de guidage (stéréotaxie, IRM), seule l'échographie permet une visualisation en temps réel de la lésion et de l'aiguille, permettant au radiologiste de bien planifier l'approche, par exemple en évitant les vaisseaux environnants, et de s'assurer d'un échantillonnage adéquat.  De plus, le guidage échographique procure un plus grand confort pour la patiente, la procédure étant réalisée en décubitus dorsal ou latéral, au contraire des biopsies stérotaxiques ou IRM où la patiente est en procubitus. Enfin, ce guidage échographique est moins couteux que les guidages par stéréotaxie ou IRM. À titre d'exemple, près de 75% des biopsies réalisées dans notre département le sont sous guidage échographique. Les biopsies sous guidage stéréotaxique représentent 20%, et les biopsies sous guidages IRM 5% du total de biopsies réalisées. (Tableau 2)

La biopsie stéréotaxique sera elle privilégiée pour biopsier des microcalcifications, souvent non visibles à l'échographie, ainsi que pour biopsier des anomalies mammographiques non vues à l'échographie. La biopsie sous guidage IRM sera réservée aux anomalies suspectes visibles en IRM seulement.

L'échographie permet également de se guider pour faire d'autres procédures telles des drainages de kystes ou d'abcès ou encore des biopsies ganglionnaires dans l'aisselle ou au niveau de la chaîne mammaire interne.

5 Indications cliniques particulières

5.1 Écoulement mamelonnaire

Dans le cas d'un écoulement mamelonnaire, l'échographie permettra de préciser s'il y a dilatation des canaux et parfois d'identifier si une lésion intracanalaire est à l'origine de l'écoulement. L'examen Doppler couleur sera alors utile pour préciser la localisation de la lésion solide et une biopsie pourra être réalisée de façon ciblée. Chez une patiente de plus de 35 ans, elle sera associée à une mammographie à la recherche d'anomalie rétro et péri-aréolaire.

L'échographie est également utile dans l'évaluation des patientes avec prothèses puisqu'elle permet, en plus d'évaluer le parenchyme mammaire, d'évaluer l'intégrité de la prothèse.

5.2 L'échographie en complément à la résonance magnétique (IRM)

Chez les patientes ayant bénéficié d'une IRM mammaire, il arrive qu'une échographie soit nécessaire afin de rechercher une zone de rehaussement anormal à l'IRM. L'échographie sera alors dite de seconde intention («Â second look »). L'examen échographique sera réalisé de façon ciblée et permettra de retrouver la zone d'intérêt. Bien que les deux examens soient réalisés dans des conditions différentes rendant la corrélation entre les deux techniques difficiles (IRM réalisée en procubitus, échographie en décubitus, modifiant l'anatomie mammaire), des repères anatomiques comme la distance au mamelon, à la paroi thoracique, ou à une autre lésion du sein aident à mettre en évidence la région recherchée. Si la zone est retrouvée, elle sera alors biopsiée sous guidage échographique. Sinon, un suivi IRM ou une biopsie sous guidage IRM seront les options à envisager, selon le degré de suspicion de cette anomalie.

 

6 Limites de l'échographie

L'échographie, comme toute modalité d'imagerie, présente des limites. Tout d'abord, comme mentionné précédemment, elle est opérateur dépendant, ce qui nécessite une certaine standardisation de sa pratique. Il n'existe pas, au contraire de la mammographie, de contrôle qualité permettant un contrôle et entretien régulier de l'appareillage, celui-ci étant laissé à la discrétion des institutions l'utilisant.

 

En ce qui a trait à la détection, l'échographie ne permet pas généralement de visualiser les microcalcifications. Il existe aussi des conditions particulières ou la visibilité de masses peut être difficile, notamment dans des seins volumineux et/ou adipeux.  La caractérisation a ses limites, ne permettant pas toujours de catégoriser avec certitude de nombreuses masses (bénignes versus malignes), ce qui génère la réalisation de nombreuses biopsies.

Enfin, une échographie normale n'est pas toujours synonyme d'absence d'anomalie. La valeur prédictive négative de l'échographie est variable et il est important de garder à l'esprit que des faux-négatifs sont possibles.

 

Conclusion :

En résumé, l'échographie est un moyen d'investigation peu invasif, sans radiation, accessible et relativement peu coûteux. Son rôle s'est considérablement élargi au cours des dernières années, en raison entre autres d'avancées technologiques. Elle est essentielle dans le processus décisionnel quant à la nécessité de biopsier ou non des anomalies détectées cliniquement ou mammographiquement.

 

Légendes

Figure 1 : Mammographie dépistage chez une femme de 62 ans. L'incidence de face droite suspecte la présence d'une masse centimétrique dans les quadrants internes (flèche).La tomosynthèse dans la même incidence confirme la présence d'une masse, et démontre la présence de contours irréguliers, suspects (flèches).  (c) Une corrélation échographique confirme la présence d'une masse suspecte de forme irrégulière et de contours spiculés. La lésion est classée BI-RADS V (haut degré de suspicion). (d) La biopsie échoguidée a prouvé la présence d'un carcinome canalaire infiltrant de grade II.

 

Figure 2 : Mammographie dépistage chez une femme de 77 ans. (a) Mise en évidence d'un petit foyer de microcalcifications dans le sein gauche sur le rayon de 12 heures (cliché agrandi en incidence oblique-flèche) classé BI-RADS IV.  La biopsie réalisée sous guidage stéréotaxique met en évidence un carcinome intra-canalaire associé à un foyer micro-invasif. (b, c) Une IRM pré-opératoire met en évidence une prise de contraste oblongue, centimétrique dans le sein controlatéral, modérément suspecte (BI-RADS IV). (d) Une échographie de second look est réalisée, mettant en évidence une masse ovalaire bien corrélée à l'aspect IRM (flèche), présentant une discrète hypervascularisation à l'étude Doppler couleur. Une biopsie sous contrôle échographique a mis en évidence un carcinome intra-canalaire.

Tableau 1 : Indications de l'échographie

indicationsechographie

 

Tableau 2 : avantages du guidage échographique

 

Avantages de la biopsie sous guidage échographique -plus rapide-moins onéreuse

- ciblage en temps réel

-meilleur confort pour la patiente


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