IRM de la prostate : Évolution ou Révolution ?


IRM de la prostate : Évolution ou Révolution ?

Vincent Pelsser, MD

Professeur  assistant de radiologie, Université McGill Radiologiste, Hôpital général juif et Centre d'imagerie médicale Clarke

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SURVOL DU CANCER DE LA PROSTATE

Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l'homme. Il est estimé qu'environ un homme sur huit sera diagnostiqué avec ce cancer durant sa vie. Les hommes de plus de 50 ans de descendance africaine ou ayant une histoire familiale de cancer de la prostate sont plus susceptibles de développer cette maladie. Souvent, le cancer de la prostate est silencieux et cause peu de symptômes avant d'avoir atteint un stade avancé. Il est donc important de pouvoir le dépister précocement pour le diagnostiquer rapidement et ainsi planifier un traitement approprié.

APPROCHE DIAGNOSTIQUE HABITUELLE ET SES LIMITES

La décision de dépister le cancer de la prostate et de quand commencer ce dépistage doit être individualisée pour chaque patient. L'âge habituellement suggéré pour initier le dépistage est de 40 ou 50 ans selon les facteurs de risque. La base du dépistage repose sur le toucher rectal et le dosage sanguin de l'antigène prostatique spécifique (APS). L'APS est une protéine produite par la prostate, dont une petite quantité se retrouve dans le sang. Un taux d'APS élevé dans le sang peut être un indicateur de la présence d'un cancer de la prostate, mais peut aussi être causé par d'autres pathologies, dont une inflammation de la prostate (prostatite), ou bien par une hypertrophie bénigne de la prostate.

Suite à une prise de sang démontrant un taux d'APS élevé, la suite traditionnelle logique est une biopsie. La biopsie est effectuée sous guidage échographique à l'aide d'une sonde insérée dans le rectum. Douze biopsies sont habituellement effectuées dans les différentes sections de la prostate, en passant au travers de la paroi du rectum. Les sections postérieures (zone périphérique) de la prostate sont ciblées par les biopsies standards. (Figure 1)

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Figure 1 : Schéma démontrant le trajet habituel (flèches) des biopsies transrectales de la prostate. Les sections postérieures et principalement latérales sont ciblées.

« La décision de dépister le cancer de la prostate et de quand commencer ce dépistage doit être individualisée pour chaque patient. L'âge habituellement suggéré pour initier le dépistage est de 40 ou 50 ans selon les facteurs de risque. »

Il y a des risques significatifs de sepsis (infection sévère) de l'ordre de 2 %, lors d'une biopsie transrectale. Le trajet de l'aiguille à biopsie cible les différents quadrants de la prostate dans le but d'obtenir un échantillonnage le plus représentatif possible, mais ces biopsies demeurent tout de même assez aléatoires. Or, de ce fait, il se peut que des cancers significatifs soient manqués (particulièrement dans les sections antérieures de la prostate), que des cancers significatifs soient sous-classés (du fait de la variation potentielle du grade histologique Gleason dans un même nodule), ou que des cancers jugés non-significatifs (de petites tailles ou de bas grade histologique) soient diagnostiqués et traités plus agressivement qu'ils ne devraient l'être. (Figure 2)

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Figure 2 : Schéma de différents scénarios de biopsies transrectales aléatoires. Les nodules en rouge représentent les foyers de cancers et les flèches noires, les trajets des aiguilles à biopsie. On peut voir qu'un trajet aléatoire de l'aiguille peut faire en sorte que certains cancers soient manqués ou  sous-échantillonnés.

IRM DE LA PROSTATE 

Depuis de nombreuses années, particulièrement en Europe et aux États-Unis, l'imagerie par résonance de la prostate a gagné en popularité de part son utilité. Une IRM de la prostate est planifiée comme une IRM standard : les nouveaux développements techniques permettent l'acquisition d'images de très haute résolution avec simplement une antenne de surface placée sur le corps du patient (une antenne endorectale avec tous ses désagréments n'est plus nécessaire); une injection intraveineuse du Buscopan (pour limiter le péristaltisme intestinal qui cause autrement des artéfacts de mouvement sur les images) et de Gadolinium (l'agent de contraste en IRM) est requise. Différents types de séquences sont obtenus dans différents plans (axial, sagittal et coronal); l'examen dure environ 30 à 40 minutes.

Les images ainsi obtenues démontrent clairement l'anatomie zonale de la prostate : la zone périphérique postérieure de la prostate a un hypersignal sur les séquences standards T2, alors que la zone de transition antérieure montre plus souvent un aspect hétérogène principalement dû à l'hypertrophie fréquente de celle-ci. (Figure 3)

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Figure 3 : Image IRM axiale T2 d'une prostate normale. La zone périphérique hyperintense est postérieure (flèche blanche) et la zone de transition est antérieure (flèche noire) et plus hétérogène.

Les cancers de la prostate ont un hyposignal sur les images T2, ce qui les rend facilement détectables dans la zone périphérique (la vaste majorité des can- cers de la prostate se retrouvent dans cette zone). Une séquence de diffusion est aussi obtenue;   les molécules d'eau ont une capacité de diffusion restreinte dans les zones cancéreuses, ce qui produit un hypersignal très intense, facilitant la détection des zones suspectes. Finalement, les zones cancéreuses dans la prostate captent le contraste intraveineux injecté beaucoup plus précocement que le reste de la glande, aidant grandement au diagnostic. (Figure 4)

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« L'IRM permettrait d'éviter une biopsie transrectale chez jusqu'à 50 % des hommes, sans manquer de cancer cliniquement significatif. »

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Figure 4 : Patient de 71 ans avec toucher rectal positif à droite et APS à 5.0. Les images IRM démontrent un nodule malin typique dans la zone périphérique, hypointense en T2 (flèche sur image A), ayant un rehaussement marqué sur l'image post-contraste (flèche sur image C), par rapport à l'image avant contraste (B)

Score IRM                         Signification

  • Nodule le plus probablement bénin
  • Nodule probablement bénin
  • Nodule indéterminé
  • Nodule probablement malin
  • Nodule le plus probablement malin

Tableau 1 : Tableau expliquant la signification du score IRM.

« L'IRM de la prostate est vouée à occuper une place de plus en plus grande dans l'algorithme diag- nostique et théra- peutique du cancer de la prostate. »

En combinant l'apparence des lésions sur les différentes séquences d'IRM, chaque nodule détecté décrit se voit attribuer un score IRM de 1 à 5 (similaire au Bi- RADS en imagerie du sein) (Tableau 1). Pour les nodules catégorisés avec un score IRM 1 ou 2, l'IRM exclut presque à 100 % la présence d'un cancer ayant un score Gleason de 4 ou 5. Les lésions avec un score de 3 à 5 devraient être considérées pour une biopsie.

APPORT DE L'IRM AU DIAGNOSTIC

Plusieurs études ont été effectuées dans le but de comparer l'efficacité des biopsies standards versus l'IRM. L'IRM se montre avantageuse dans l'algorithme de détection pour des cancers cliniquement significatifs : la valeur prédictive négative de l'échographie avec biopsie standard est de 22 à 38 % alors que celle de l'IRM est de 95 à 97 %. L'IRM permettrait d'éviter une biopsie transrectale chez jusqu'à 50 % des hommes, sans manquer de cancer cliniquement significatif.

L'IRM est de plus en plus utilisée cliniquement : avant une biopsie, elle permet de cibler spécifiquement les zones suspectes qui pourraient ne pas l'être avec les biopsies standards aléatoires; chez les patients avec une biopsie standard négative, mais chez qui la suspicion clinique de cancer est élevée (Figure 5); chez les patients diagnostiqués avec un cancer, dans le but de planifier une chirurgie (Figure 6); chez les patients diagnostiqués avec un cancer pour lequel uniquement une surveillance active a été choisie plutôt qu'un traitement définitif (Figure 7); pour le suivi après un traitement focal; pour un patient chez qui l'APS augmente après prostatectomie.

PERSPECTIVE

L'IRM de la prostate est vouée à occuper une place de plus en plus grande dans l'algorithme diagnostique et thérapeutique du cancer de la prostate. Le tout dépendra de son accessibilité?

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Figure 5 : Patient de 66 ans avec APS à 19, et biopsie négative précédemment. Image IRM axiale T2 (A) démontrant un nodule antérieur d'apparence maligne, qui prend le contraste précocement de façon asymétrique (B). Une biopsie effectuée après l'IRM en ciblant cette zone a confirmé la présence d'un volumineux cancer à ce niveau.

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Figure 6 : Patient de 69 ans en attente de chirurgie pour un cancer de la prostate. Image IRM axiale T2 démontrant un nodule malin, insoupçonné suite à la biopsie initiale, débordant postérieurement au- delà de la limite de la prostate (extension extra-capsulaire). Cette information cruciale pour le chirurgien permet de planifier une opération optimale pour diminuer le risque de résection incomplète.

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Figure 7 : Patient avec APS à 6.0 chez qui une IRM initiale (A) démontre un petit foyer de cancer prouvé suite à une biopsie. Une surveillance active avait été choisie, sans traitement initial. Une IRM de contrôle (B) effectuée 16 mois plus tard démontre une augmentation de la taille du cancer; l'APS a aussi augmenté à 8.0. Cette information va influencer la décision de débuter un traitement chez ce patient


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