Le virage de l'analogue au numérique


Caroline Samson MD FRCP©

Photo Dre Caroline Samson

 

La mammographie sauve des vies ; les radiologistes impliqués quotidiennement dans le PQDCS connaissent bien cette réalité. Plusieurs études contrôlées randomisées ont démontré que la mammographie de dépistage réduit de 18-30% le taux de mortalité par cancer du sein. À défaut de pouvoir le prévenir, le cancer du sein doit être dépisté le plus tôt possible afin d'améliorer la morbidité et la mortalité; la mammographie est le seul outil qui a fait ses preuves au niveau de la mortalité. Ces études, qui ont permis la mise sur pied du PQDCS en 1998, datent donc de la technologie analogue, également connu sous le terme «film écran-cassette». Ce principe est celui de la bonne vieille radiographie : un photon de rayon-X traverse le sein et est converti en lumière par un écran fluorescent. La lumière entraîne une réaction sur l'émulsion d'un film, lequel est ensuite développé chimiquement.

Alors que toutes les modalités radiologiques (RX,CT,IRM,US) prenaient le virage de la digitalisation dès le début des années 2000, la mammographie, qui est la modalité qui présente la plus haute résolution spatiale (10 paires de lignes /mm), a dû attendre près d'une dizaine d'années supplémentaires de développements technologiques, mais, surtout, des études démontrant des sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive égales ou supérieures, le tout à un taux de rappel similaire. La transition de la technologie analogue vers le digital est bien amorcée au Québec. Les avantages de la mammographie digitale sont nombreux et particulièrement précieux en mammographie de dépistage :

1-Meilleure résolution de contraste.

L'impact a tout particulièrement été démontré chez les patientes pré-ménopausées, chez celles aux seins denses et chez celles ou qui sont sous hormonothérapie (donc les examens les plus difficiles à interpréter!)

2-Aucune perte de données (fini les films perdus!)

3-Transfert électronique possible (PACS, CD)

4-Optimisation de l'image par manipulation (moins de films répétés)

5-Meilleure visualisation du tissu sous la peau et du tissu sous les prothèses

En 2012, devant ces constats, et suite à 2 larges enquêtes sur la mammographie de dépistage, le Collège des Médecins du Québec recommandait le remplacement de la technologie analogue par la technologie digitale.

 

La technologie numérique (mammographie digitale) est une image électronique du sein, qui peut ensuite être emmagasinée et transmise électroniquement. Deux technologies sont présentes au Québec : la technologie CR et DR.

Le CR (computed radiography) consiste en une acquisition indirecte de l'image. Le détecteur digital est localisé dans une cassette et un lecteur digital CR permet la reproduction de l'image. L'avantage évident de cette technologie est la poursuite de l'utilisation des appareils de mammographie déjà en place; seules les cassettes et l'appareil à développer sont changés pour la technologie CR. Cette technologie a donc été la première implantée au Québec en raison des coûts raisonnables. Elle est toutefois appelée à disparaître, car le remplacement des mammographes, d'une durée de vie d'environ  10 ans, se fera par la technologie DR.

Le DR (direct radiography) possède quant à lui un détecteur intégré à même l'appareil de mammographie et l'image digitale est immédiate. L'avantage évident de cette technologie est la fin de la manipulation des cassettes, des bris et des artéfacts qui y sont reliés.

Les évidences scientifiques indiquent aujourd'hui que la mammographie digitale a une performance équivalente - ou meilleure, dans certains cas - à la mammographie analogue ; la baisse de mortalité attendue peut donc être transposée à la mammographie digitale. Une récente polémique entre ces deux technologies digitales (CR et DR) a éclatée en Ontario suite à la publication de la plus large série sur le sujet, les publications antérieures ayant démontrée des performances équivalentes. Le MSSS et l'Association des Radiologistes du Québec ont été saisi par cette publication. Les résultats obtenus et leur portée sont présentement à l'étude par l'INSPQ et l'INESS. Un premier communiqué, qui s'inscrit dans la continuité des soins, mentionne que les indicateurs du PQDCS démontrent toujours un excellent taux de dépistage de 6/1000 (supérieur à celui de l'étude ontarienne qui était de 4.9/1000). Concrètement, la technologie DR remplacera graduellement toute autre technologie (CR ou analogue). Seuls des mammographes DR sont actuellement commercialisés ; il s'agit du nouveau ?gold standard'. En 2012, déjà 90% des milieux américains avaient emprunté le virage au numérique.

La technologie DR permet l'aide au dépistage ou au diagnostic (CAD). Certains milieux y voient enfin la possibilité d'une double lecture. Le taux de rappel de ces technologies demeure toutefois un frein à leur plus large utilisation. La technologie DR permet également l'utilisation de la tomosynthèse.

La tomosynthèse est l'acquisition de multiples projections du sein en un court laps de temps, sans en augmenter la radiation. L'objectif est d'arriver à mieux caractériser et détecter les lésions, particulièrement dans les seins denses en contournant les limites géométriques de la mammographie (seulement deux incidences d'une même structure anatomique complexe avec son lot de superposition de tissus normaux). L'analogie à faire est celle de la radiographie de spécimen excisé versus la mammographie initiale. Le RX de spécimen est centré sur l'anomalie : il élimine le «bruit» des tissus normaux qui se superposent. La tomosynthèse s'inspire de ce concept ; plusieurs incidences sont faites à différents angles. Cela permet la visualisation des structures alignées qui sont donc rendues plus visibles, et l'élimination de celles qui ne le sont pas. Des algorithmes informatiques de reconstruction permettent la visualisation d'images en coupes minces de très haute résolution du sein, ce qui permet de mieux voir les anomalies et de les caractériser (coupes minces similaires au CT). La tomosynthèse ne requiert pas la même compression du sein que la mammographie de dépistage, pour laquelle la compression est nécessaire afin de diminuer les superpositions, la radiation primaire et la radiation diffusée. Les autres avantages potentiels sont une meilleure sensibilité pour les masses, une meilleure caractérisation et localisation des masses, de même qu'un taux de rappel possiblement plus faible. Les coûts et le temps d'interprétation sont actuellement les facteurs limitant.  Ceci dit, la tomosynthèse est encore, en 2013, une technologie du domaine de la recherche qui génère d'enthousiastes études. La direction générale de la Santé Publique  a d'ailleurs émis un récent communiqué, rappelant que la tomosynthèse n'est pas encore reconnue en tant qu'outil de dépistage.

 

En conclusion, il n'y a nul doute que l'avènement de la mammographie digitale constitue un très grand avancement technologique permettant de consolider notre programme de dépistage, qui lui-même était un très grand pas en santé publique. L'aire numérique permet d'entrevoir le développement d'outils qui, espérons-le, amélioreront encore la performance du dépistage et du diagnostic pour le bien des femmes aux prises avec le cancer du sein.

 

Chiarelli AM et coll. Digital compared with screen-film mammography : Performance measures in concurrent cohort within an organized breast screening program. Radiology, May 2013

Heddson B et coll. Digital vs screen-film mammography: a retrospective comparisaon in a population-based screening program. Eur J Radiol 2007

Lipasti S et coll. Mammographic findings of women recalled for diagnostic work-up in digital vs screen-film mammography in a population-based screening program. Acta Radiol 2010

Whitman GJ & Haygood TM. Digital mammography; A practical approach. 2013

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