L'application des traitements de première et deuxième ligne dans la prise en charge d'ulcère diabétique par le podiatre


Christina Morin et Marie-Claude Larprise sont toutes deux impliquées dans la formation académique des étudiants de podiatrie de l'université du Québec à Trois-Rivières, respectivement comme chargée de cours et comme clinicienne. Elles agissent également à titre d'investigatrice principale et de co-investigatrice dans différents projets de recherches cliniques entre autre en plaies diabétiques.

 

Laprise

Marie-Claude Laprise, DPM

Centre podiatrique et soins des plaies de Boucherville et St-Hyacinthe

Morin

Christina Morin, DPM

Centre podiatrique et soins des plaies de Boucherville et St-Hyacinthe

Nous ne sommes pas sans savoir que le diabète touche un nombre grandissant de Québécois et de Québécoises chaque année. L'augmentation alarmante du nombre de nouveaux cas de diabète représente une réelle situation de crise pour notre société, tant par les effets dévastateurs de la maladie que par le fardeau financier qui s'y rattache (hospitalisation, dialyse, amputation). Les complications inhérentes au diabète touchent pratiquement tous les systèmes, d'où l'importance d'avoir en tête une approche globale et multidisciplinaire dans la prise en charge de ces patients complexes. Selon les statistiques de l'association Canadienne de soins des plaies, on évalue à près 2,3 millions le nombre de Canadiens et Canadiennes diabétiques, sans oublier que parmi ceux-ci, près de 15 % présenteront un ulcère du pied au cours de leur vie.

À la lumière de ses informations il paraît évident que notre rôle de podiatre en tant qu'intervenant de première ligne dans cette maladie peut non seulement contribuer à maintenir les patients ambulatoires, mais également à leur éviter des hospitalisations de longues durées, des infections et des amputation de membres inférieurs.

Au Québec le podiatre pratique exclusivement dans un contexte privée, et ceci amène souvent les professionnels de la santé à se questionner sur la façon d'intégrer le podiatre dans l'équipe traitant le patient diabétique. En comprenant mieux les ressources dont dispose le podiatre dans sa pratique privée et son modèle de prise en charge du patient, il est plus facile de situer son niveau d'intervention dans l'échelle des soins et de créer un corridor de service plus accessible pour le patient.

L'évaluation du patient diabétique par le podiatre 

Dans son évaluation du patient diabétique avec ulcère plantaire, le podiatre est amené à identifier la cause probable de l'apparition de la plaie. Une anamnèse approfondie permet de mieux placer le patient dans son contexte socio environnemental et de reconnaître les facteurs qui peuvent influencer sa guérison (contrôle glycémique, obésité, sédentarité, situation familiale etc.). Aussi, un examen clinique rigoureux permettra d'établir plus clairement les causes de l'ulcération. L'examen podiatrique du patient diabétique devrait inclure une évaluation vasculaire sommaire de ses pieds. Des outils simples et non invasifs, comme l'écoute doppler des artères du pied, de même que la prise de l'index tibio-brachial permettent d'établir un meilleur portrait de la condition artérielle du patient. Cette étape est cruciale, car le traitement de l'ulcère artériel diffère grandement du traitement de l'ulcère de pression ou d'une plaie infectée.

L'évaluation neurologique du pied permet de reconnaître des caractéristiques particulières notamment des changements sensitifs qui peuvent être évalués qualitativement à l'aide du monofilament de semmes-weinstein.

Il est également possible pour le podiatre, au moyen d'une évaluation dermatologique et biomécanique de reconnaître les changements du système nerveux autonome et moteur au niveau du pied. L'atrophie des tissus adipeux plantaire ainsi que les déformations tels les orteils marteaux et les hallux valgus sont souvent la résultante de ses changements du système moteur et autonome. Ces changements prédisposent les patients à développer des plaies de pressions au niveau des proéminences osseuses exposées. Il est ensuite possible d'établir un plan de traitement qui visera à décharger les zones à haut risques d'ulcération, par la prescription d'orthèses, de chaussures ou encore de botte de décharge.

Les traitements de premières lignes en soin de plaies

L'ensemble des soins locaux prodigués par le podiatre vise à préparer le lit de la plaie afin de réunir les conditions favorables à la guérison. Ces soins locaux consistent essentiellement  au débridement des tissus nécrotiques, au contrôle de la charge bactérienne, et à l'équilibre de l'humidité.

- Débridement

Le débridement effectué à l'aide du bistouri est un moyen efficace de réduire considérablement la force de pression exercée sur la plaie. De plus, le retrait des tissus non viables présent sur le lit de la plaie et à son pourtour semble efficace dans la réduction de la charge bactérienne.

- Mise en décharge

Toujours dans l'optique de favoriser la guérison et de réduire les forces de pressions et de friction appliquées sur la plaie, la mise en décharge du pied diabétique est un incontournable dans le traitement de première ligne. Le but ultime est de redistribuer les forces de pression de façon uniforme sur l'ensemble du pied.  Il existe plusieurs façons de décharger le pied diabétique, que nous ayons recours au plâtre de contact total, aux semelles berceau, aux orthèses accommodatives ou encore aux chaussures orthopédiques, il faut avant tout avoir procédé à une analyse de la mobilité et de la fonctionnalité du pied afin de choisir la décharge appropriée.

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- Réduction de la charge bactérienne

Les agents antimicrobiens qu'on utilise généralement comme traitement de première ligne vise à réduire la  charge bactérienne dans la plaie. Leur utilisation est pertinente dans les cas où la colonisation bactérienne est critique, mais ils s'avèrent insuffisant en présence de signes clinques d'infection. La douleur accrue, la rougeur au-delà des berges de la plaie, une odeur nauséabonde ou encore la présence de sinus ou de contact avec les structures tendineuses et osseuses sont des signes cliniques d'infection.  Il revient alors au podiatre d'évaluer régulièrement la plaie et de savoir reconnaître les signes de dégradations de celle-ci. Alors le patient devra recourir à l'antibiothérapie orale.

- Équilibre de l'humidité

Les pansements secondaires que l'on applique pour couvrir la plaie et la protéger de l'environnement extérieur joue un rôle important dans l'équilibre de l'humidité. Parmi ceux-ci on retrouve entres autres les pansements mousses,  alginates, hydrofibres qui sont utilisés dans les plaies exsudatives et les gels aqueux qui vise à humidifier une plaie plus sèche.

Suivi et réévaluation

En tant que professionnel de la santé, il est normal de se questionner à savoir à quel moment le traitement initié devrait être réévalué ou changer. Dans le soin des plaies, une réévaluation de la plaie devrait être fait un maximum de 4 semaines après l'initiation d'un traitement de première ligne. Selon Sheenan et Al, la plaie devrait alors présenter une réduction d'environ 50% de sa taille. Si ce critère est respecté il est indiqué de poursuivre le même traitement. Toutefois, face à une plaie qui n'évolue plus, il est essentiel de revoir notre plan de traitement. Il peut alors s'agir de réévaluer la nature de la plaie, en gardant en tête les infections sous-jacentes ou encore les malignités.

Les traitements de deuxième ligne

Dans le cas où les traitements de première ligne ne sont pas efficaces après 4 semaines, il ne faut pas baisser les bras. Plusieurs facteurs peuvent expliquer la chronicité de ces ulcères : le déficit d'apport artériel, l'infection extrêmement fréquente sur ce terrain et, surtout, la persistance des microtraumatismes locaux. La cicatrisation cutanée est un phénomène dynamique complexe. Lorsqu'une plaie tombe en phase chronique il se crée un débalancement au niveau des  facteurs de croissances, les métalloprotéases créent un environnement qui retarde la cicatrisation. Les traitements de deuxième ligne peuvent s'avérer une solution de rechange efficace dans la guérison des ulcères chroniques du pied.

La thérapie par pression négative

On pense entre autres à la thérapie par pression négative qui a depuis plusieurs années fait ses preuves pour le traitement d'ulcère chronique ne répondant pas aux traitements de première ligne. Concrètement la thérapie par pression négative vise à créer un vide  sur la plaie. Cette thérapie favorise non seulement un rapprochement des berges de la plaie mais elle permet également l'élimination constante de l'exsudat contenant les agents bactériens. Cette technique qui est indiquée dans le traitement des plaies exsudative non infectée favorise l'angiogenèse et la formation de tissu de granulation. De plus en plus, il est possible pour les patients d'avoir accès à la thérapie par pression négative via les CLSC, conjointement avec le podiatre.

- Les agents biologiques

On ne pourrait parler de thérapie de deuxième ligne sans mentionner les agents biologiques. Parmi les nombreux agents biologiques disponibles sur le marché, on retrouve entre autres les matrices dermiques extra cellulaires d'origine porcine. Ce produit contient différents types de collagènes et de facteurs de croissance qui agissent en fournissant à la plaie une structure propice à la guérison.

Des agents biologiques comme les facteurs de croissances dérivés de plaquettes  visent à stimuler la multiplication cellulaire. Les facteurs de croissance sont déficients dans les plaies qui tardent à cicatriser. Cette forme de thérapie joue donc un rôle au niveau de la prolifération des fibroblastes qui sont des composantes cellulaires importants dans la formation de tissu de granulation.

Plus récemment, nous avons connu le retour d'autres agents biologiques comme les substituts dermique dérivé de fibroblastes humains. De tels produits sont fabriqués à même les cellules de fibroblastes humains provenant de tissus de prépuce de nouveau-né. Ils doivent être cryoconservé à une température de -75 degrés C, et l'application au site de la plaie nécessite certaines préparation Toutefois, malgré ces quelques particularités, il est de plus en plus facile d'en faire l'emploi dans nos cliniques privées. Longtemps considérés comme inaccessibles en raison de leur utilisation coûteuse, le lobbying exercés par les compagnies pharmaceutiques auprès des assureurs vise à rendre l'usage de ses thérapies d'exception de plus en plus accessibles pour le patient. Il est maintenant réaliste de prévoir un modèle financier pouvant justifier l'utilisation de ces produits pour nos patients.

Conclusion

En matière de soins de plaie chez les patients diabétiques, il est évident que le but ultime visé par les professionnels de la santé est de maintenir nos patients ambulatoires, mais, surtout, d'éviter une  éventuelle amputation. La perte d'un membre affecte la qualité de vie des patients diabétiques mais elle réduit aussi de façon considérable leur espérance de vie. C'est pourquoi, l'approche multidisciplinaire a depuis longtemps fait ses preuves et que le podiatre reste un allié précieux dans la prise en charge des plaies complexes.


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