La podopédiatrie


La podopédiatrie

Dr Patrice Roy, podiatre

Clinique Podiatrique de l'Estrie, Sherbrooke

Tous les podiatres vous le diront : soigner les enfants représente une sphère passionnante de leur travail quotidien. Comme les enfants répondent bien aux traitements, la guérison s'avère plus fréquente que le soulagement et la rémission, ce qui  fait de la podopédiatrie une pratique très valorisante.

Il existe une multitude de motifs de consultation en podopédiatrie (voir tableau 1). Cet article, en plus de proposer quelques conseils d'usage, traitera de quatre problèmes parmi les plus communs: pieds plats; apophysite calcanéenne; démarche en adduction; douleurs de croissance.

L'examen podopédiatrique

L'examen commence par l'anamnèse et l'historique de la plainte principale et des plaintes secondaires. L'historique de la grossesse, de la naissance et des premiers mois présente des informations très utiles. Le clinicien utilise ensuite la palpation anatomique pour identifier avec précision les structures qui font l'objet de la plainte.

Par la suite, lorsqu'indiqué, s'effectue l'examen biomécanique proprement dit: statique, posture, décubitus et dynamique. L'examen biomécanique complet comporte plus de 70 tests et observations. La description en détails de chacun des éléments de l'examen biomécanique dépasse les objectifs de cet article de vulgarisation. Un des nombreux formulaires d'examen podopédiatrique qui existent est illustré dans cet article.

Certains examens complémentaires (radiographies et imageries médicales, appareils d'analyse de la démarche, tests médicaux,...) peuvent être utiles pour compléter l'évaluation.

TABLEAU # 1   ; MOTIFS COMMUNS DE CONSULTATION EN PODOPÉDIATRIE

Dermatologiques:

-verrues

- ongle incarné (onychocryptose)

- pied d'athlète(tinea pedis)

- ongle mou (onychomalacie)

-transpiration abondante (hyperhydrose/bromhydrose)

Orthopédiques:

-pieds plats (talus valgus)

-douleurs de croissance

-douleurs de talons (surtout apophysite)

-mauvaise démarche (surtout en adduction)

-mauvaise posture

-hallux valgus juvénile

-inégalité des membres inférieurs

TABLEAU # 2  ; LES TYPES DE PIEDS PLATS:

Pieds plats juvéniles (talus valgus)

Pieds plats d'adultes (pes planovalgus)

Pieds plats héréditaires ou congénitaux:

-pied de Kidner

-talus vertical

-calcaneo-valgus

-splayfoot

-naviculaire gorillaforme

-hypotonie

-dystrophies diverses

-trisomie 21

-laxités ligamentaires

-coalitions tarsiennes

Pieds plats acquis:

-rupture du tibial postérieur

-blessures

-diabète (pied de Charcot)

-pied plat spastique fibulaire

-pied plat par compensation

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Le podiatre compile alors toutes ces informations, pose un diagnostic, détermine et administre le traitement.

Les pieds plats

«Mon fils de 5 ans, Vincent, a les pieds très plats. Il a commencé à marcher plutôt tard. Quand nous marchons ensemble, il se fatigue vite et veut que je le prenne dans mes bras. J'ai entendu que les pieds plats peuvent nuire à son bon développement; ai-je bien fait de venir vous voir?»

                                                                                              Le père de Vincent

Vincent présente un Talus Valgus (pieds plats juvéniles).

Il existe plusieurs types de pieds plats qui ne peuvent «être tous mis dans le même plat». Le tableau 2 de cet article présente une des nombreuses façons de classifier les pieds plats. Le pied plat est associé à la pronation excessive ou l'hyperpronation. Cette condition peut devenir extrêmement pathogénique. Les séquelles principales et les plus communes sont présentées dans le tableau 3.

Chez l'enfant, la forme la plus rencontrée se nomme Talus Valgus, communément appelé pied plat juvénile.

TALUS VALGUS

Tous les enfants, ou presque, naissent avec ce type de pieds plats et les maintiennent jusqu'à l'âge de 24-30 mois. Les tissus adipeux, l'angle et la base d'appui expliquent cette morphologie. Par la suite, les pieds devraient prendre un aspect plus normal. Certains enfants présentent encore des pieds plats qui se résorberont spontanément complètement avant 7 ans. D'autres cas maintiendront cette morphologie et le degré de sévérité peut varier.

Les cas plus sévères ou ceux qui persistent, nécessitent la prise en charge, car, tel que spécifié, l'hyperpronation peut entraîner plusieurs problèmes. Les traitements consistent en des conseils de chaussures ou à leurs modifications à l'aide de coussinets supporteurs. Les orthèses podiatriques représentent souvent la meilleure solution pour soulager et prévenir les séquelles et procurent aussi un effet correcteur.

Apophysite calcanéenne

«Maëlle a très mal au talon droit; parfois un peu à gauche mais davantage à droite; depuis quelques semaines, elle s'en plaint surtout après le soccer»

                                                                                                  La mère de Maëlle

Maëlle souffre de la Maladie de Sever.

L'apophysite calcanéenne se définit comme une inflammation du centre de croissance  de l'os du talon, le calcanéum.  Aussi connue comme la maladie de Sever,  elle se veut une condition relativement bénigne.

La prévalence est commune chez les enfants actifs, âgés de 8 à 14 ans. Le diagnostic se détermine simplement par la présence d'une douleur palpable à l'aspect postérieur du talon, juste à l'avant de l'insertion du tendon d'Achille et la tendinite de ce dernier y est souvent associée.

TABLEAU # 3  ; SÉQUELLES FRÉQUENTES DES PIEDS PLATS

Aux pieds:

-déviations digitales (hallux valgus et orteils marteaux)

-fasciite plantaire; épine de Lenoir

-tendinopathie du tibial postérieur

-tendinopathie d'Achille

-arthrose

Aux jambes:

-periostite

-tendinites/tendinoses diverses

-lourdeur et fatigue

Aux genoux:

-syndrome fémoro-rotulien

-syndrome de la patte d'oie

-bursite rotulienne

-Osgood-Schlatter

-syndrome de la bandelette ilio-tibiale

-douleurs au ligament collatéral interne

-chondromalacie

-arthrose

Aux hanches:

-bursite trochantérienne

-syndrome du piriforme

-arthrose

Au dos:

-lombalgies

-sacro-iléite

-sciatalgie

Les traitements sont simples, efficaces et consistent en:

approches analgésiques avec glace et/ou acétaminophène;

coussinets aux talons;

réduction temporaire des activités physiques.

Les symptômes disparaissent généralement en quelques jours mais peuvent récidiver.

Lorsque les douleurs persistent, s'intensifient ou récidivent très fréquemment, une investigation médicale est indiquée pour éliminer certains problèmes sérieux comme les tumeurs, les fractures de Salter-Harris et des maladies systémiques.

Quand les douleurs deviennent récalcitrantes aux traitements usuels, la thérapie physique et les orthèses podiatriques appropriées sont indiquées.

Démarche en adduction

«Coralie, ma fille, a une drôle de démarche; elle court  mal et s'enfarge souvent; elle se plaint  de douleurs après les activités physiques; est-ce normal?»

                                                                                                 La mère de Coralie

Coralie présente une rotation fémorale interne.

La démarche en adduction (in-toeing) est courante chez les enfants. Cette pathomécanique ne peut être considérée comme banale puisqu'elle expose les individus aux chutes et entrave la bonne performance en activité. De plus, la compensation pronatoire commune qui survient fréquemment entraîne plusieurs risques de complications.

L'examen biomécanique précisera la cause exacte parmi les diagnostics différentiels qui sont:

  • Rotation fémorale interne
  • Torsion fémorale interne
  • Contracture des fléchisseurs médiaux des genoux
  • Torsion tibiale interne
  • Torsion pseudomalléollaire
  • Metatarsus adductus (rigide/semi-rigide/flexible; metatarsus primus adductus)
  • Occasionnel/rare/idiopathique/neurologique

ROTATION FÉMORALE INTERNE (RFI)

La RFI est certainement la cause la plus fréquente de la démarche en adduction. Il existe beaucoup de confusion terminologique dans la littérature et, ainsi, la torsion fémorale et la rotation fémorale sont souvent énoncées comme la même entité. Les cliniciens qui veulent lire sur le sujet sont avisés d'être vigilants et de se référer à leurs compétences anatomiques pour mieux comprendre les articles.

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La plupart des auteurs affirment que « la résolution spontanée survient dans plus de 80% des cas à l'adolescence» et «qu'il est intéressant de noter que plusieurs enfants ne marchent plus en adduction mais que l'antéversion fémorale (RFI) reste inchangée. Ces observations s'expliquent facilement par la compensation pronatoire commune à cette forme de démarche.

La structure anatomique concernée est la capsule articulaire de la hanche, spécialement le ligament pubofémoral. Il est possible, par des tests cliniques simples,  de déterminer si le fémur est tordu ou si la capsule de la hanche est sous tension anormale. Les fibres de la capsule articulaire sont orientées de façon à limiter l'extension et la rotation interne de la hanche.

L'orthèse plantaire constitue un bon traitement et doit être prescrite pour exercer un effet ciblé en phase d'appui et en début de propulsion. C'est en effet durant ces périodes de la marche où la hanche est en extension. L'orthèse est non seulement une mesure pour contrer la compensation pathogénique mais le pronostic de correction de la rotation fémorale interne est excellent.

Le traitement inclut aussi des conseils de posture et de positionnement (voir plus loin dans le texte).

Les douleurs de croissance

«Mon fils Antoine a mal aux jambes depuis des mois; notre médecin de famille nous a rassuré en disant que ce n'était que des douleurs de croissance et il a suggéré du Tylenol; mais les douleurs persistent depuis plusieurs semaines et sont si intenses qu'Antoine se réveille la nuit en pleurant; pouvez-vous m'aider?»

 Le père d'Antoine

Antoine souffre de douleurs de croissance.

Les «douleurs de croissance», quoique très communes, demeurent incomprises dans la communauté scientifique. Depuis la première parution scientifique, en 1823, sur les douleurs aux membres inférieurs durant la croissance, des douzaines d'auteurs ont tenté d'élucider cette condition énigmatique.

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L'impact social des douleurs récurrentes aux jambes chez les enfants n'a pas  été mesuré mais certaines conséquences ont été soulevées:

-Chez l'enfant : douleurs importantes et répétitives aux membres inférieurs; sommeil dérangé; fatigue et faible résistance à l'activité.

-Chez le parent : inquiétudes; sommeil dérangé; consultations et dépenses médicales.

-Chez le médecin : manque d'outils pour le diagnostic et le traitement; frustration clinique; impression de perdre du temps.

comme il n'existe aucune définition ni test pour établir un diagnostic définitif, les concepts de diagnostic, de diagnostics différentiels et d'étiologies se confondent. Plusieurs experts s'entendent pour dire que «douleurs de croissance»Â  est un mauvais choix de mot pour identifier une entité nébuleuse qui ne peut être diagnostiquée que par exclusion.

Plusieurs auteurs ont tenté d'établir une véritable définition de «douleurs de croissance».  En voici le profil clinique:

conseils de posture

  • Plainte principale de douleurs aux jambes.
  • Les douleurs sont plus souvent localisées et plus souvent intenses dans la région tibiale.
  • Les douleurs sont généralement symétriques.
  • Les douleurs se présentent parfois en activité, mais surtout au repos et même la nuit.
  • Les enfants peuvent présenter peu d'endurance à l'activité.
  • L'activité tend à exacerber les douleurs.
  • Les douleurs sont intermittentes, fréquentes et ont tendance à se chroniciser.
  • L'historique a éliminé la présence de traumatisme, de maladies génétiques et métaboliques.
  • L'enfant peut avoir reçu un diagnostic de douleurs de croissance du médecin traitant.
  • Les traitements, s'il y en a eu, ont donné des résultats insuffisants et/ou éphémères.
  • Le seul soulagement efficace semble être l'attention et les massages des parents
  • Aucune douleur palpable (versus Sever, Osgod-Schlatter, ... ).
  • L'enfant présente une ou des conditions pathomécaniques (genou valgum, rotation fémorale interne, talus valgus, pied de Kidner, etc.).

De nombreux auteurs ont tenté d'établir la causalité de ce syndrome. La majorité des hypothèses ont été rejetées ou non validées. Les causes les plus plausibles, d'origine mécanique, sont la fatigue musculaire et la pronation. Les «douleurs de croissance», non causées par la croissance elle-même, seraient la manifestation d'un syndrome douloureux récurrent aux membres inférieurs durant la croissance et reliées à l'activité physique. Serait-il possible que des conditions pathomécaniques puissent provoquer un stress musculo-squelettique suffisant pour stimuler les mécanismes de la douleur? Certains chercheurs ont émis l'hypothèse d'une cumulation prolongée des déchets métaboliques de l'activité musculaire chez les enfants. Ceci pourrait expliquer pourquoi les symptômes se présentent surtout en période de repos.

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L'efficacité relative des traitements proposés pour les «douleurs de croissance» n'a pas été clairement établie. Certaines approches telles les massages, anti-inflammatoire et attention des parents sont reconnues, par dépit, comme les traitements de choix pour les «douleurs de croissance». L'approche mécanique (stretching, wedging, orthèses) s'avère efficace. L'attribution bien ciblée d'orthèses plantaires représente la meilleure option de traitement pour les «douleurs de croissance»Â  puisque, non-seulement les symptômes seront soulagés entièrement et rapidement, mais le port d'orthèses adéquates prévient les douleurs, et ce, sans restriction d'activités.

Quelques conseils

Le podiatre est le professionnel  le plus spécialisé pour diagnostiquer les pathologies des pieds et les traiter. Il est aussi le mieux habilité pour déterminer si un enfant a besoin ou non d'orthèses aux pieds.

Quand consulter

Entre 0 et 6 mois: Les problèmes de pied peuvent apparaître dès la naissance. Ils requièrent une attention immédiate car les jeunes os, étant plus mous, répondent mieux aux traitements. Les traitements se résument souvent par des conseils ou l'usage d'attelles, mais les cas plus sérieux et plus rares seront référés aux médecins spécialistes.

Vers l'âge de 30 mois: Une consultation préventive est indiquée. Les cas légers feront l'objet de conseils et seront sous observation. Les cas plus sévères seront pris en charge sur le champ.

Par la suite, consulter en tout temps où il y a inquiétude ou douleurs.

Les chaussures

Il existe plusieurs références sur le web pour conseiller les parents dans le choix des chaussures pour leurs enfants. Pour trouver un texte descriptif de vulgarisation assez complet, consultez le site suivant: www.podiatreestrie.ca

Les mauvaises habitudes

Plusieurs enfants adoptent des postures assises ou couchées qui nuisent au sain développement de leurs membres inférieurs. La figure incluse dans cet article illustre ces mauvaises habitudes.

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En conclusion

Durant les premières années de la vie, le corps se développe à un rythme époustouflant. Les plus petites anomalies peuvent entraîner des problèmes sérieux et les pieds ne font pas exception à cette règle.

Le dépistage précoce et la prise en charge durant la croissance de l'enfant peut non seulement soulager et prévenir les problèmes mais aussi corriger les pathomécaniques de façon permanente 

Patrice Roy est gradué du Pennsylvania College of Podiatric Medicine de Philadelphie (Temple University) et pratique la podiatrie depuis plus de vingt-trois ans à Sherbrooke. Il est un des initiateurs du cours d'orthèses plantaires à l'UQTR.

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Phrases en placer en mortaise

«Il existe plusieurs types de pieds plats qui ne peuvent «être tous mis dans le même plat». Le pied plat est associé à la pronation excessive ou l'hyperpronation. Cette condition peut devenir extrêmement pathogénique»

«L'apophysite calcanéenne se définit comme une inflammation du centre de croissance  de l'os du talon, le calcanéum.  Aussi connue comme la maladie de Sever,  elle se veut une condition relativement bénigne»

«La démarche en adduction (in-toeing) est courante chez les enfants. Cette pathomécanique ne peut être considérée comme banale puisqu'elle expose les individus aux chutes et entrave la bonne performance en activité. De plus, la compensation pronatoire commune qui survient fréquemment amène plusieurs risques de complications»

 


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