L'ongle incarné, trop souvent banalisé


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Dre. Nancy Juteau,

podiatre

Clinique Podiatrique

Ste-Rose 188 boul. Ste-Rose Laval, Québec, H7L 1L4

450-937-0966
Un ongle incarné peut sembler anodin pour la plupart des gens, mais la douleur que celui-ci engendre est loin d'être banale pour les personnes atteintes. Certains patients finissent même par se présenter à l'urgence devant leur impuissance à diminuer la douleur ou bien par inquiétude vis-à-vis l'infection qui s'y est installée. La simple pression des draps peut s'avérer une torture. Mais que faire pour y remédier ?

L'ongle incarné se résume par une portion de l'ongle qui entre dans la peau. Quoique rencontré majoritairement sur le gros orteil, les autres orteils peuvent également être affectés. Une inflammation de la peau autour de l'ongle incarné (connue sous le nom de paronychia) est souvent visible. Tant et aussi longtemps que l'ongle reste emprisonné dans la peau, la douleur et l'inflammation persistera. Lorsque celle-ci est ignorée, une infection peut en découler et un granulome pyogénique y est souvent associé.

À QUOI PEUT BIEN SERVIR UN ONGLE?

Certains patients ont vécu si longtemps avec leur ongle douloureux qu'il préférerait qu'on le retire entièrement. Il est important de comprendre que nos ongles ont un rôle qui va au-delà de l'esthétisme. En plus d'avoir un rôle biomécanique, nos ongles d'or- teils protègent nos phalanges distales et augmentent notre proprioception tactile1

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D'OÙ VIENT CE PROBLÈME? QUELLES EN SONT LES CAUSES?

La cause et la récurrence sont souvent dictatrices du traitement. Bien qu'il existe plusieurs causes d'ongles incarnés, voici les plus fréquentes :

  • Compression de l'ongle dans la peau causée par un soulier trop étroit ou trop petit
  • Coupe trop courte et arrondie des coins de l'ongle causant une repousse dans la peau
  • Enflure de l'orteil causée par de l'?dème aux pieds, souvent vu chez la femme enceinte ou lors du post-partum
  • Certaines personnes ont une matrice (racine) de l'ongle trop large depuis leur naissance, causant ainsi l'ongle à entrer dans la Souvent, l'un des parents ou grands-parents aura également des ongles incarnés.
  • Forme de l'ongle ou exostose de la phalange qui amène une courbure excessive de l'ongle

COMMENT CHOISIR LE BON TRAITEMENT?

Lors d'une première présentation, une simple coupe en biseau dans le sillon peut être effectuée afin de retirer la partie de l'ongle qui entre dans la peau. Cette procédure est simple et nécessite très rarement une anesthésie de l'orteil. Cette option est souvent choisie lorsque l'ongle incarné est le résultat d'un traumatisme, d'une coupe d'ongle trop courte ou s'il apparaît à la suite d'une grossesse. Il suffit de couper la portion de l'ongle qui entre dans la peau. Lorsque bien retiré, il ne devrait plus rester de douleur lors de compression de la peau sur l'ongle. Lors de trauma- tisme, ceci peut régler le problème définitivement. Par contre, dans certains cas, l'ongle incarné revient après deux ou trois mois, lors de la repousse.

Lors d'infection, la prise d'antibiotiques oraux peut être nécessaire, quoique souvent inutile à elle seule si la portion de l'ongle incarné n'est pas retirée. Par contre, dans la majorité des cas, le simple retrait de l'ongle dans la chair suivi par des trempages dans 1 litre d'eau avec 1 bouchon ou 2 cuillères à table de sel d'Epson deux fois par jour, suffit pour éliminer l'infection.

Les radiographies ne sont pas nécessaires sauf dans des cas où l'infection serait très importante et de très longue date. Il pourrait s'avérer judicieux de passer une radiographie en cas de doute afin de vérifier l'intégrité de la phalange sous-jacente pour évaluer l'intégrité du cortex de l'os et s'assurer de l'absence d'ostéite (infection de l'os).

Lors de récidive, lorsque l'ongle est trop large ou lors d'infection importante (par exemple, lors de granu- lome pyogénique) un retrait permanent de la partie incurvé de l'ongle peut être envisagé. Cette procédure est connue sous le nom de matricectomie. Malgré le fait qu'il existe plusieurs techniques pour retirer la partie de l'ongle indésirable, les podiatres utilisent la méthode par phénolisation. Cette technique ne requière aucun point de suture et les patients retournent à la maison avec un simple pansement et des trempages à faire deux fois par jour.

LA PROCÉDURE DÉFINITIVE

Avant de procéder à une chirurgie d'ongle incarné, il est important de prendre en considération les antécédents médicaux du patient ainsi que sa médication. Les médicaments, entre autres, peuvent nuire à l'anesthésie (IMAO, phénothiazine), augmenter le saignement (AAS, anticoagulants) ou retarder la guérison (glucocorticoïdes)2. Une prophylaxie antibiotique devrait être envisagée pour les personnes atteintes de maladies valvulaires congénitales ou acquises afin d'éviter le risque d'endocardite. Les pouls pédieux doivent être palpables afin d'assurer une vascularisa- tion adéquate nécessaire à la bonne guérison.

La première étape consiste à anesthésier l'orteil. L'épinéphrine est normalement déconseillée dans les orteils, un garrot peut être inséré afin d'éviter un saignement abondant. En moyenne, 2 cc suffisent pour anesthésier les orteils 2 à 5 et 3 cc sont utilisés pour le gros orteil.

Une fois l'orteil anesthésié, la partie incurvée de l'ongle qui entre dans la chair est décollée du lit de l'ongle à l'aide d'une spatule.

La partie incurvée est coupée à l'aide d'un ciseau puis retirée à l'aide d'une pince.

Lorsque la partie indésirable de l'ongle est retirée, la racine de l'ongle est brûlée avec du phénol 90 %. Celui-ci sera appliqué à l'aide d'un mini cotontige à trois reprises pendant une trentaine de secondes.

De l'alcool sera par la suite appliqué afin d'enlever le phénol. Un antibiotique topique est appliqué en plus d'une gaze stérile et d'un pansement non adhérent. Ce pansement sera gardé intact et au sec pour 24 heures.

Au lieu de brûler la racine de l'ongle avec du phénol, certains professionnels vont utiliser de l'hydroxyde de sodium 10 %. Par contre, celui-ci ne peut être utilisé en présence d'infection. Contrairement au phénol, celui-ci n'est appliqué qu'une seule fois pendant 1 minute. Au lieu de rincer avec de l'alcool, l'hydroxyde de sodium est retiré à l'aide de vinaigre.

Les deux techniques décrites ci-haut (phénol et hydroxyde de sodium) consistent en un retrait permanent de l'ongle par procédé chimique. La matrice

de l'ongle peut également être retirée de façon physique, requérant des points de suture.

INSTRUCTIONS POST-CHIRURGIE

Le patient doit par la suite faire des trempages dans 1 litre d'eau et 1 bouchon d'eau de javel ou 2 cuillères à table de sel d'Epson deux fois par jour pendant une semaine. Une visite est normalement planifiée une semaine suite à la procédure afin de retirer l'accumulation de sang séché, lorsque présent, et s'assurer de la bonne guérison. Il est tout à fait normal de noter une rougeur bien localisée à la base de l'ongle suite à la procédure. Ceci s'explique par la brûlure effectuée avec le phénol sur la racine. La rougeur disparaît normalement à l'intérieur de deux mois. Des antidou- leurs peuvent être pris au besoin, quoique rarement nécessaires. La douleur post-opératoire est souvent moindre que la douleur causée par l'ongle incarné. Le temps de guérison se situe entre une et six semaines et peut-être supérieur selon la condition médicale du patient (diabétique ou autre).

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« L'ongle incarné se résume par une portion de l'ongle qui entre dans la peau. Quoique rencontré majoritairement sur le gros orteil, les autres orteils peuvent également être affectés. Une inflammation de la peau autour de l'ongle incarné (connue sous le nom de paronychia) est souvent visible. »

RISQUES ASSOCIÉS À LA MATRICECTOMIE

  • Récurrence : bien que rare, il arrive que la partie retirée repousse après la procédure.
  • Infection suite à la procédure
  • Repousse anormale de l'ongle si un traumatisme survient à la matrice lors de la

Bien sûr, ces procédures sont effectuées après avoir obtenu le consentement libre et éclairé du patient. Il n'y a plus de raison d'endurer un ongle douloureux. Lors de douleur, consultez!

  1. Fitzpatrick TB, Freeberg Fitzpatrick's Dermatology in General Medicine 2003; 6eéd. vol. 2; 159.
  2. Fitzpatrick TB, Freeberg Fitzpatrick's Dermatology in General Medicine 2003; 6eéd. vol. 2; 2585.

 

 


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